Les trois Druides

Citation :

Je vous propose là une nouvelle que j'ai écrite il y a deux ans déjà. Le héros deviendra mon pseudo de référence dans bien des cas..... lol Attention, elle est très longue!

-LES TROIS DRUIDES-

LA CAUSE DE TOUS SES PROBLEMES

« Les trois druides », notes personnelles de Gwilherm :
Noter ses idées est aussi important que tout autre chose. Elles représentent l’empreinte d’un patrimoine, le reflet d’une idéologie personnelle. L’homme pense énormément et la notification de chacun de ses concepts laisse une trace à travers le temps et l’espace.
Je m’appelle Gwilherm. Je peux dire que ma vie s’étale sur des expériences spirituelles, sur l’élaboration de théories humanistes et sur la conception de rites initiatiques.
Je suis au crépuscule de mon existence. Je vais bientôt avoir quatre-vingt cinq ans et j’écris mon dernier tome sur mes expériences passées. Au cours de ma vie, j’ai pu rédiger sept livres titrés : « l’ombre de mon ego », « le grand-maître », « les saisons de l’existence », « la nécropole des sages », « rites et épreuves », « le cœur astral » et « regard intérieur ». Aucun de ces livres n’a été proposé à la publication et demeure dans un domaine personnel. Seul les initiés auront accès à mes connaissances.
Ce dernier tome que je développe retrace l’expérience initiatique unique d’un individu. Je me souviens encore de tous les détails de cette aventure. J’ai intitulé cette péripétie « les trois druides ».
Cela remonte à plusieurs années déjà… cinquante-cinq ans pour être plus précis. Je devais avoir trente ans à l’époque…
*

…La lourde porte, en bois de chêne massif, se referma derrière lui. Il scruta les alentours et aperçut un autel au centre de la pièce, et derrière ce dernier, sur sa droite, un immense bassin en argent doré comblait la salle.
Il regarda brièvement le bassin et s’assit par terre. Il plia ses genoux et cala sa tête entre ses derniers tout en lâchant un soupir de lassitude.
Que faisait-il là, dans cette pièce ?
Il laissa ses souvenirs parcourir sa mémoire et se remémora les événements consécutifs qui l’emmenèrent jusque là.
Tout commença à cette conférence dont le thème traitait de la magie occidentale à la période de l’âge de fer. On y parlait en d’autre terme de diverses divinités, des magiciens en période gauloise et gallo-romaine, de différentes gravures, du culte des morts, des cérémonies funéraires et du parallélisme du folklore gaulois avec les divinités germaniques, romaines et indiennes.
Toujours passionné par les sciences occultes et divinatoires, il se rendit à cette conférence sans se douter des conséquences à long terme qu’elles auraient sur lui.
La soirée débuta par une introduction sur la magie occidentale en général avant d’en venir sur les rites gaulois, leurs cultes, et leurs divinités. Il écouta attentivement les orateurs, s’abreuvant de leurs discours avec passion, sans se lasser une minute de tous ces textes.
La conférence fut clôturée par un lunch traditionnel.
Il se rappela que la salle était décorée de tapisseries anciennes, de gravures mythologiques, de fresques illustrant diverses divinités et de textes en langue ancienne gravés sur des dalles de pierre.
Les gens s’agglutinèrent sur les plats disposés et il trouva l’occasion pour faire plus ample connaissance avec certaines personnes de l’assemblée. Il se dirigea à son tour vers le buffet et se servit une tranche de bœuf rôti avec de la salade de riz accompagné d’un beaujolais nouveau. Il commença sa dégustation lorsqu’une personne l’accosta avec un vif intérêt.
Il s’agissait d’une femme d’une trentaine d’années au physique agréable, les cheveux châtain clair et les yeux bleus. Elle portait une robe rouge et n’avait aucun maquillage ou des bijoux de toutes sortes. En un mot, elle était simple !
Elle s’adressa à lui avec adresse et charme :
« _ Que trouvez-vous d’intéressant parmi tous les sujets énumérés ce soir ?
_ Je dois reconnaître que les druides ont été ma préférence au cours de cette conférence malgré que les autres sujets aient suscité chez moi un grand intérêt.
_ Saviez-vous que le druidisme a fortement contribué à lutter contre l’invasion romaine. Mais les castes guerrières gauloises avaient l’autorité et elles se laissèrent séduire par le christianisme... erreur fatale qui les amena à leur perte.
_ Non, je ne savais pas ça.
_ Si le druidisme est un sujet qui vous intéresse réellement, je peux vous mettre en contact avec des personnalités expertes en la matière.
_ Quel est votre nom ?
_ Je m’appelle Isabelle Courtaud. Et vous ?
_ Kévin Delporte. Enchanté de vous connaître.
_ Moi de même. Tenez, voilà ma carte. Si vous êtes intéressé par ces personnes, téléphonez-moi.
_ Entendu ! »

*

« Les trois druides », notes personnelles de Gwilherm :
Faire le vide en soi et rechercher la paix intérieure reste nécessaire pour trouver la plénitude. La dualité est le propre de l’homme…c’est à lui de trouver sa voie et de conquérir son cœur !*

Assis sur les dalles marbrées, Kévin se souvint de ces multiples circonstances qui le menèrent jusque là. Il repensa à Isabelle Courtaud, cette satanée sorcière qui est à la source de tous ses ennuis. Ne jamais se fier aux apparences, maintenant, il le savait !
Il se laissa de nouveau guider par sa mémoire et se rappela de monsieur Arthur Gimbert, un vieil homme d’une soixantaine d’années avec lequel Isabelle Courtaud le mit en contact. Ce dernier était un excellent orateur... En réfléchissant, cela le ramena à un de leur dialogue...

« _ La loi du plus fort régit toujours celle du plus faible, c’est bien connu, dit le sexagénaire. Toutefois, il est des gens qui se dressent devant des idéaux, face à des créatures sans foi ni loi. Qui de ces gens peuvent parler de règne sincère, d’absolu nécessité à faire le bien comme celui de vaincre le mal.
Tant que l’idéal n’atteint pas son paroxysme, la plupart des gens pourront se vouer corps et bien à leur culte, sans craindre pour autant le lavage de cerveau.
Il n’y a pas de sincères convictions sans l’esprit pour l’aiguiser et l’instinct pour l’appréhender. Mais soyez pur et digne face à vos idées et défendez-les de manière sincère.
_ Je suis sincère face à mes idées, quant aux idéaux, je n’en ai pas !
_ C’est bien dommage, je vous l’assure. L’idéologie représente une facette de la source interne, portrait spirituel de l’être humain. Il n’est guère conseillé, je vous l’accorde, de tomber dans le fanatisme, erreur communément appliquée par la plupart des gens... C’est d’ailleurs bien dommage.
_ Mademoiselle Courtaud m’a affirmé que vous étiez un druide. Est-ce vrai ?
_ Tout à fait ! Le druidisme contemporain existe. C’est une communauté qui s’appelle «la gorsedd » Nous nous basons sur la fraternité, la spiritualité et la nationalité.
Sur la fraternité, nous travaillons sur l’amitié, le soutien mutuel, la sérénité et la tolérance.
En spiritualité, Nous cherchons ensemble, à partir de la tradition celtique, insulaire et occidentale, à définir et vivre une spiritualité commune. Nous effectuons aussi des cérémonies, des rituels et des rassemblements à la fontaine de Barenton, une clairière druidique.
Et enfin, en nationalité, nous travaillons à la défense et au développement de tous les aspects de la spécificité de la Bretagne tel que la langue, l’histoire, la littérature et tout ce qui englobe le patrimoine celtique.
_ Passionnant ! »

Sa prétention et son orgueil s’étouffèrent dans une inquiétante appréhension. Rien ne fut plus doux à ses yeux que de partir loin d’ici, loin de ces maudites idées qui l’ont mené jusqu’ici, dans cette pièce aux lumières tamisées et à l’entourage inquiétant.
Kévin se leva et fit quelques pas vers l’autel. Il semblait en transe, presque hors de lui-même, loin de sa propre conscience.
Mille idées traversaient sans cesse son esprit et un nom vint percer sa léthargie : Teutates. Il s’agissait d’un dieu celte. Le dieu de la guerre, si ses souvenirs étaient bons. Il fit de nouveau un retour vers un passé encore trop proche.

Cela remontait à trois ou quatre jours auparavant. Arthur Gimbert lui amena une gravure du XII° siècle.
Cette dernière représentait un immense personnage, accompagné d’un Dieu qui plongeait un homme la tête en bas dans un cuveau. L’esquisse était troublante, déroutante.
Le vieillard prit la parole :
« _ Il s’agit de Teutatès. C’est le dieu de la guerre dans la culture celte. Il est associé, comme la plupart des dieux dans le folklore celtique, à une planète. En ce qui le concerne, c’est mercure. Teutatès-mercure se complète avec un des quatre éléments qui est l’eau. La représentation que vous voyez sur cette gravure indique tous les éléments que je vous ai énoncés. La fonction guerrière est représenté ici par l’immense personnage qui donne en offrande à Teutatès un homme sacrifié par la noyade, l’élément du Dieu invoqué.
_ Je trouve cette gravure inquiétante. On dirait que quelque chose s’émane d’elle. Quelque chose de très fort, d’effrayant.
_ Toutes les représentations mythologiques peuvent avoir des attraits effrayant car il s’en dégage une parcelle de vérité et on perçoit inconsciemment cette certitude.
_ Vous insinuez que Teutatès-mercure a existé ?
_ Non ! Bien sur que non ! Je veux simplement vous dire que les sacrifices ont existé. C’est de cette vérité dont je vous parle. Il s’agit de cette certitude qui vous donne le sentiment que cette gravure émane une onde néfaste. Les ondes ne sont pas toujours ce que l’on croit mais c’est notre façon de la percevoir qui lui donne tout son sens.
La représentation de la gravure devient alors psychologiquement inconsciente. Elle analyse et traduit le dessin dans sa globalité et n’en retient que le principal. Ici, le sacrifice humain est le résumé de la représentation et elle évoque donc pour vous un châtiment que vous qualifiez d’inquiétant et d’effrayant.
_ Peut-être, mais l’idée que je me faisais des druides est quelque peu effritée.
_ Et quelle idée vous faisiez-vous des druides ?
_ Je les voyais comme des personnes sages, des magiciens en quête de vérité, des détenteurs de savoir et de spiritualité.
_ Mais vos idées des druides restent juste. Il ne faut tout de même pas oublier qu’ils vivaient à une époque rude où les croyances sur des dieux vengeurs existaient.
_ La forêt de Brocéliande était un lieu de sacrifices humains ?
_ Bien entendu. Mais il faut savoir se situer à son époque. Aussi, la forêt de Brocéliande, aussi appelée la forêt de Paimpont, est un endroit emplis de futaies, de taillis, de landes, de bruyères, d’étangs et de ruisseaux. Retenez plutôt ceci au lieu de faire revivre un aspect négatif et pourtant d’une banale normalité à ces époques de barbaries où seul des dieux assouvis pouvaient vous protéger de tous ces malheurs.
Sachez rester humble face à vos convictions trompeuses et mal situées. Sachez interpréter selon votre époque et usez d’une culture dont peu d’entre nous avons la chance d’accéder.
Envolez-vous vers d’autres sphères, découvrez des divinités protectrices, apprenez les bienfaits de la magie blanche et les vertus des plantes. Ayez un regard inter dimensionnel. Regardez la vie sous un autre angle. Aiguisez votre esprit et affûtez votre logique.
_ Et que dois-je faire pour accéder à cette communauté ?
Le sexagénaire se dirigea vers une commode et en sortit une fiole opaque. Il revint vers Kévin et lui tendit cette dernière.
_ Qu’est-ce que c’est ? , Demanda Kévin.
_ Il s’agit de liqueur de peyotl. Les sorciers amérindiens s’en servaient pour avoir la vision de leurs dieux. C’est une plante hallucinogène. Le rituel consiste à vider cette fiole. Vous vous sentirez lourd, puis chancelant et enfin vous visiterez votre for intérieur qui se manifestera par des rêves qui vous dévoileront des vérités qui vous appartiennent. C’est à vous de les voir et de les reconnaître.
Kévin s’empara de la fiole et l’ouvrit. Il porta cette dernière à son nez afin de sentir la potion. Une odeur âcre s’en émanait. Il resta immobile quelques secondes. Mille images traversaient son esprit et mille mots contrôlaient ses émotions : savoir, magie, lucidité, spiritualité, sagesse, pouvoir, force, respect...Il but la potion en une gorgée.
_ C’est fait ! , Dit-il, souriant, au sexagénaire.
_ Très bien, affirma monsieur Gimbert. Vous pouvez commencer le rituel mais prenez garde. La connaissance suprême ne s’acquiert pas aussi facilement que l’on souhaiterait. Si vous échouez, vous paierez de votre vie.
_ Quoi ? Que dites-vous ?
_ Vous avez bien entendu. Je vous souhaite bon courage dans votre quête de la vérité...« la vérité face au monde », c’est la devise de la « Gorsedd ».
Kévin sentit son corps s’alourdir, devenir de plus en plus insensible. Il avança de quelques mètres puis sa vue se troubla. Il zigzagua sur quelques mètres supplémentaires puis s’écroula de tout son long. Il regarda autour de lui, désemparé, et la pièce disparut dans un nuage de fumée. Des formes surgirent de ces brumes compactes et tournèrent autour de lui. Il aperçut un taureau au pelage de jais, des griffons aux allures hostiles, un coffre inaccessible, un serpent ailé et trois femmes aliénées qui riaient aux éclats. Il contempla avec horreur et désarroi cette vision et il perdit connaissance pour se réveiller ici, dans cette maudite pièce.

*

« Les trois druides », notes personnelles de Gwilherm :
L’incertitude est le propre de l’homme…c’est l’une des facettes de la dualité.
Rien n’est plus dur que de se vouer cœur et âme à ses désirs, ses convictions et ses idées.
La foi sert à cela : contraindre notre esprit à se fondre dans l’unité, seule perspective consciente de l’être humain.*

Il marcha prudemment vers l’autel et scruta scrupuleusement ce dernier. Il remarqua qu’un vieux parchemin était posé aux côtés d’une bougie éteinte et d’une coupe en étain remplie d’eau. Il saisit le parchemin et examina le papier. Il était épais et jaunis par le temps. La graphologie du texte laissait apparaître une écriture en minuscule, aux formes arrondies et fluides. Il lut l’énoncé du parchemin :
"LES TROIS DRUIDES
A l’aube d’une nouvelle humanité, trois druides se dressèrent devant le tout-puissant. Chacun était le représentant d’une législation naturelle. Ils détenaient respectivement la loi de l’empreinte, la loi de l’analogie et la loi de la récolte.
De ces trois lois régissaient trois phases initiatiques :
La phase de régression ou mort initiatique. Isolement, éloignement, attente à l’extérieur, le jeûne, se dévêtir, yeux voilés, méditation, passage sous un dolmen, rites de mort.
La phase de renaissance : acceptation par le groupe, entrer dans le cercle ou le triangle, purification de la terre, l’air, l’eau, le feu, le soleil, imposition des mains, nom nouveau, vêtements.
La phase de révélation : recevoir une tradition, une filiation, une connaissance, le livre du savoir druidique, des symboles, prêter serment à l’ordre, serment de secret, serment pour l’utilisation contrôlée des pouvoirs, pacte de sang.
De ces trois phases découlent trois unités primitives : un Dieu, une vérité, une liberté, point où se font équilibre toutes les oppositions.
De ces trois unités primitives s’émanent trois choses : la vie, le bien, la puissance.
En Dieu, trois nécessités importantes se dévoilent :
Que Dieu soit nécessairement la vie à son maximum
Que Dieu soit nécessairement la connaissance à son maximum
Que Dieu soit nécessairement la puissance à son maximum.
En Dieu, trois impossibilités s’imposent. Il ne se peut que Dieu soit à la fois :
La plénitude du bien en tant que devenir
La plénitude du bien en tant que désir
La plénitude du bien en tant que possibilités
Dieu nous donne trois preuves de ce qu’il a fait et de ce qu’il fera en tant que nature :
Sa puissance infinie
Sa sagesse infinie
Son amour infini
Dieu, infiniment parfait, a nécessairement trois besoins en créant chaque chose
Amoindrir le mal
Accroître le bien
Justifier des différences entre les choses."
( page 7 )

Il reposa le parchemin à sa place initiale.
Il regarda autour de lui et aperçut trois gravures qui ornaient le mur Est. L’une d’elle, il l’avait reconnu, représentait Teutates-mercure. Les deux autres, d’après certaines descriptions de monsieur Gimbert, devaient définir Esus-mars et Taranis-Jupiter décrivant respectivement la seconde branche guerrière et la fonction souveraine à qui l’on doit la corne d’abondance.
Il examina les deux dernières gravures.
Esus-mars était en train d’abattre un arbre de la forêt où se cache le taureau aux trois grues tandis que celle de Taranis-Jupiter décrivait à côté d’un Dieu barbu, un personnage coiffé d’un casque à corne qui tient une grande roue aux multiples rayons.
Taranis-Jupiter, il l’avait entendu dire, était le maître des loups, des griffons et des serpents à tête de bélier.
Les gravures étaient certes passionnantes mais elles ne l’aidaient pas dans son désir de prendre la poudre d’escampette.
Il poursuivit son exploration visuelle sur son environnement lorsqu’il vit une toile sur le mur Sud. Il s’approcha de cette dernière et la détailla avec intérêt.
La peinture représentait une déesse qui soulevait les eaux pour engloutir une cité. Kévin examina la toile avec fascination.
La représentation était troublante. La cité peinte semblait fabuleuse mais aussi très ancienne. Une seule idée lui traversa l’esprit : l’Atlantide.
Il se souvint d’une conversation où Arthur Gimbert s’entretenait avec l’un de ses dévoués.
Il expliqua à ce dernier que les druides auraient été des magiciens de l’Atlantide qui avait découvert les secrets de la nature et ses merveilles. Certains d’entre eux voyaient en elle une approche positive de la terre et pratiquèrent la magie blanche afin d’harmoniser la vie de la population.
Les autres percevaient dans la nature une tentatrice des forces occultes et négatives. Ils étaient adeptes de la magie noire et se vouèrent au culte de la luxure.
Les magiciens adeptes de la magie blanche, peu intéressé par le matériel, sentirent le danger qui menaçaient l’Atlantide et se dispersèrent à l’Ouest, vers les rivages d’Amérique et à l’Est, vers ceux de l’Irlande.
Pour les adeptes de la magie noire, ils périrent et disparurent avec l’Atlantide.

Kévin détailla une fois de plus la peinture. L’eau représentait un élément important aux yeux du druidisme ancien et contemporain. L’eau associait l’image d’une déesse. Elle était la représentation de la nature violée qui punissait les humains par des inondations. Étrange coïncidence lorsqu’on compare cette apocryphe aux textes bibliques : l’arche de Noé ou les quatre cavaliers de l’apocalypse qui sont guerre, maladie, famine et inondation.
Kévin pensa aux fontes glaciaires que subit notre planète actuellement.
Est-ce un message de la nature afin de nous avertir d’une destruction imminente de notre monde.
Probablement que oui !

Il recula de quelques pas et pensa à la toile. Il était convaincu qu’elle détenait la réponse pour sortir d’ici. Il associa tous les éléments définis sur la peinture sur la situation actuelle et il comprit.
Son regard se posa de nouveau sur le bassin.
« L’eau, pensa t-il, le flot de vie qui coule en dedans et en dehors de l’homme. Le breuvage divin qui donne et maintient la vie mais dans lequel on peut aussi se noyer. »
Il scruta l’eau aux reflets argentés et fut soudain convaincus que la sortie se trouvait là.
Après une mûre réflexion, il plongea dans le bassin et se dirigea vers le fond. Des roches crevassées constituaient les parois de ces derniers. Il nagea le long de ces dernières et aperçut une cavité qui débouchait sur une sortie.
Il remonta à la surface et reprit son souffle. Il inspira profondément et plongea de nouveau.

*

« Les trois druides », notes personnelles de Gwilherm :
Postcriptum : Quand les éléments interviennent, il est de rigueur de se plier à leur volonté. Nul ne peut prétendre de s’élever face aux forces élémentaires.
Quand le vent souffle, les arbres se plient à sa présence.
Quand l’eau coule, nul ne peut l’arrêter.
Quand la terre tremble, on ne peut se dérober sous sa volonté.
Quand le feu s’embrase, qui peut l’affronter sans risquer de périr.
Des quatre éléments, on distingue quatre directions :
Eau/nord, feu/sud, air/ouest, terre/est.
Des quatre directions correspondent quatre états spatio-temporels et spirituels :
Est/passé, Ouest/futur, nord/combativité, sud/sagesse.
On définit ses états en se basant sur des connaissances objectives :
L’est se réfère au lever du soleil soit le début de tout, y compris les origines de l’humanité.
Le centre des quatre directions et des quatre états correspondant respectivement au point neutre de toute chose et au ici-maintenant.
En partant du centre, l’est correspond au passé et l’ouest à l’avenir soit là où se couche le soleil après le parcourt d’une journée (d’une existence).
Le nord se réfère à la froideur de son pôle, direction de la combativité soit le besoin de conquérir chaque étape de sa vie dans la dualité.
Le sud se distingue à la chaleur de son pôle, direction du repos spirituel, de réflexion sur soi-même, du bilan de sa vie.
*

Il prit la sortie qui se prolongea par un interminable tunnel et donc, fort malheureusement, les courants marins allaient à contresens de sa direction.
L’air commençant à se raréfier, il fut soulager de voir la lumière du jour qui parvenait à percer cette eau profonde.
Il remonta à la surface et reprit sa respiration dans un râle inaudible. Il ne vit pas tout de suite ce qui l’entourait. Il sentit simplement ses poumons se gorger d’air et oxygéner son corps.
Il prit conscience du plaisir presque mécanique de la respiration.
L’air ambiant était frais, presque glacial et ce n’est que lorsqu’il sentit les agressions de ces minuscules coupures dont vous tiraille le froid, qu’il réalisa les alentours.
Il se trouvait au centre d’un lac en plein milieu des bois. Cela semblait être une forêt dense que le soleil avait du mal à percer au-delà des frontières de l’eau.
Il nagea jusqu’au rivage et sortit du lac.
Il avait froid et ses vêtements trempés n’arrangeaient guère les choses. Il ramassa quelques brindilles et bois morts. Il s’alluma un feu de la façon la plus primitive et la plus longue qu’il soit. Il dut faire rouler un bâton entre ses mains sur une bûche cernée de brindilles afin que frottement produise de la chaleur puis la combustion. Il s’en tira avec quelques ampoules sur les paumes des mains mais son feu prit.
Il se déshabilla afin de sécher ses vêtements puis se réchauffa. Il prit conscience qu’une priorité vitale était à résoudre : se nourrir.
Il ne possédait pas les connaissances de la pêche ou de la chasse, ignorait les plantes ou les racines nutritives, cependant, il allait devoir faire face à ces ignorances pour survivre.
Il se dirigea vers le lac et but quelques gorgées d’eau. Il revint prés du feu et s’endormit après l’avoir alimenté.

*

« Les trois druides », notes personnelles de Gwilherm :
Les druides ont toujours eu accès à la connaissance ancestrale. La méditation, la paix intérieure ainsi que l’absorption de breuvage enivrant d’origine américaine, étonnamment ancrée dans leur tradition. « L’amanita muscaria » ou la fumée résineuse engendrée par la combustion de bois d’if, exemple de ces substances hallucinogènes, favorisait la clairvoyance. *

Cette nuit-là, il fit un rêve étrange. Il marchait dans les bois, le regard perdu vers l’horizon comme si quelques chimères allaient en surgir. Il était cerné de bruyères, de taillis, de landes et de ruisseaux. Il n’entendait aucun bruit, pas même le vent dans les arbres ou bien quelques piaillements d’oiseaux. Aucun son, aucune vibration ne semblait l’atteindre, le meurtrissant dans son for intérieur. Après des heures de marches, il franchissait les limites d’une clairière au centre de laquelle se dressait un cromlech. Ce site funéraire dégageait une présence inquiétante, déroutante, pourtant il avança vers lui. Il ausculta minutieusement le monument et aperçut une petite gravure sur la partie inférieure droite de l’une des pierres. Taillée sur la roche, elle indiquait un mot de quatre lettres : Tène.
Si ses souvenirs étaient bons, Tène était une riche nécropole au mobilier funéraire abondant au second âge de fer.
Il caressa du doigt l’inscription comme si une révélation se dévoilerait à son contact.
A peine toucha t-il l’inscription, qu’un hurlement strident et inhumain le fit sursauter.
Pour être plus précis, il s’agissait d’un beuglement. Il devina aussi le bruit de pas dont les lourds déplacements écrasait l’humus. Il se faufila à travers quelques taillis et aperçut la bête. C’était un taureau immense au pelage de jais et dont les cornes semblaient avoir été taillées pour l’éventration. Aux côtés de cet animal aux allures féroces, trois grues cendrées glapissaient joyeusement. Les volatiles dépeignaient ironiquement prés de ce terrible bovidé.
Il marcha sur une branche de bois mort et ce dernier craqua dans un bruit sec. La bête leva des yeux rouges dans sa direction et après avoir humée les odeurs dans l’air, elle se prépara à charger.
Lorsque la patte postérieure droite de l’animal se mit à frotter le sol terreux et souffla gravement, il ne tarda pas à prendre ses jambes à son cou.
Il courut aussi vite qu’il pu mais le taureau gagnait dangereusement du terrain. Il crut le deviner juste derrière lui, prêt à l’encorner puis il slaloma entre les arbres, seule chance pour lui de prendre de la distance.
Il s’essoufflait mais trouva tout de même la force de continuer sa course. Il se précipita hors des bois et lorsqu’il eut franchi les limites de ces derniers, il stoppa sa course et chercha son souffle. Il ne se sentait plus en danger. Il fit quelques pas en avant et le vit. Le taureau se dressait devant lui, plus féroce et déterminé que jamais.
Il fonça tête baissée et…
( page 10 )

« Les trois druides », notes personnelles de Gwilherm :
Assimilée à la manifestation de l’âme, la musique revêtait une importance capitale : les druides jouaient avec aisance de la flûte ou de la harpe, comme l’enseigne le Dagda lui-même, le divin harpiste capable de tirer des mélodies enchantées de son instrument.
Postcriptum : Les airs magiques de Dagda représentent respectivement le sourire de la jeunesse, le gémissement de la vieillesse et le sommeil de la mort.
*

Kévin se réveilla en sursaut. Des sueurs froides perlaient son front. Il chassa les derniers résidus de son cauchemar.
Il s’aperçut avec désarroi que le feu était réduit à quelques braises rougeoyantes. Il ajouta quelques brindilles et souffla dessus. Le feu reprit doucement avant qu’il ne rajoute du bois mort.
Son rêve lui revint. Il avait vu cet animal en représentation lors d’une exposition sur des galeries d’arts celtiques ainsi que dans ses visions hallucinatoires sous l‘emprise du péyolt. Il s’agissait du taureau aux trois grues. Il ne comprenait pas pourquoi il avait songé à cette créature et encore moins la signification de cette image. Il ne connaissait rien de cette mythologie qui concernait l’animal.
Après tout ce rêve ne représentait peut-être que de pures spéculations sans intérêt.
Il s’allongea et s’endormit de nouveau mais cette fois-ci son sommeil ne fut pas agité par des cauchemars.

Quand il ouvrit les yeux au petit matin, il posa son regard vers le monticule de cendres froides. Il se leva difficilement, le corps courbaturé, puis se dirigea vers le lac.
Il but quelques gorgées d’eau et se rinça le visage. Il scruta de nouveau le paysage qui le cernait.
Il devait se résoudre maintenant à chasser pour se nourrir. Occulter l’art de la chasse et de la pêche ne serait que pure folie pour la maintenance de sa survie.
Il se mit en quête à la recherche de divers matériaux afin de mettre en œuvre des armes et des pièges.

La lance de fortune plongea dans l’eau et empala la carpe dans le fond marin. Il en était à sa énième tentative et il dut faire preuve d’une excessive patience avant de parvenir à cette miraculeuse réussite.
Il récupéra le poisson et le jeta sur la berge. En stand by, il attendait sa prochaine proie aquatique.

Le soleil se couchait dans un ciel orangé. Kévin contemplait le crépuscule tout en dégustant ses trophées comestibles : quatre carpes et six passereaux capturés à l’aide de pièges de misère mais néanmoins efficace. Il fit cuire tous les aliments et les enroula dans des feuilles de platane afin de maintenir leur fraîcheur. Il avait placé les autres pièges et il les récupérera le lendemain avant de partir. Il ne pouvait pas rester ici indéfiniment. Il quittera son campement au lever du soleil et commencera sa recherche le plus tôt possible.
Il s’allongea prés du feu et s’endormit dans une sérénité apaisante.

Le vent se leva et le réveilla de sa fraîcheur matinale. Il se mit sur son séant, le regard encore embrumé par le sommeil et le corps alourdit par la fatigue. Il se dirigea vers le lac et bu quelques gorgées d’eau. Après quelques secondes de réflexion, il se dénuda et plongea dans l’étang. Il se frotta vivement toutes les parties de son corps sans néanmoins pouvoir les laver. Peu lui importait d’ailleurs !
Il nagea quelques minutes et retourna sur la berge. Il s’habilla mais garda son maillot de corps qu’il déchira au niveau des coutures afin d’en faire un sac à bandoulière pour ses provisions.
Il éteignit complètement le feu et commença son excursion.

*

« Les trois druides », notes personnelles de Gwilherm :
Le druidisme se réfère à deux approches :
-La conception ascendante dans laquelle la religion est une superstructure idéologique née des besoins de l’homme et crée par lui.
-La conception descendante dans laquelle la spiritualité et les structures religieuses qui en découlent sont perçues comme émanant du divin.
*

Il marchait depuis plus de deux heures mais il ne ressentait pas encore l’épuisement. Au cours de son excursion, il eut tout le loisir de détailler la flore environnante. Elle était surtout composée de bouleaux, d’ifs et de chênes. Tous ces arbres se dressaient au milieu de fougères, de landes et de rivières. Le panorama était fantastique et pourtant Kévin ne se sentait pas tranquille. On l’espionnait ; il en était certain.
Il s’arrêta quelque instant et détailla avec plus de précision son environnement. Il aperçut sur sa droite, à une cinquantaine de mètres, une petite clairière. Il se dirigea vers elle et découvrit ainsi un site druidique. Il était composé d’un cercle de pierres où la flore n’avait pu se développer à cause très certainement de son étendu énergétique. Il pénétra dans le cercle et s’assit en tailleur dans son centre. Il entra ainsi en méditation et invoqua ses ancêtres. Il connaissait une technique pour avoir accès à la connaissance ancestrale. Il imageait ces parents et derrière eux, les parents de ses parents et ainsi de suite jusqu’à ce qu’une foule de couple se tiennent les uns derrières les autres à perte de vue.
Kévin entra en état de transe et eut accès à l’aide ancestrale. Elle se manifesta par des murmures multiples qui répétaient sans cesse les mêmes mots : virilité obscure, lion des hautes altitudes, profonde avidité, mythologie venimeuse, les mères de l’échéance.
Les chuchotements devinrent des sifflements puis des gargouillis inaudibles. Il resta assis en tailleur un petit moment puis se releva doucement. Il se sentait déjà beaucoup mieux, en paix avec lui-même. Il fit quelques pas afin de sortir du cercle et s’adossa contre un arbre. Il avait rapidement compris les énigmes de ces ancêtres. Elles correspondaient aux visions sous l’emprise du péyolt. Il en déduisit que :
_ Virilité obscure imageait le taureau au pelage de jais,
_ Le lion des hautes altitudes à celle du griffon aux allures hostiles,
_ La profonde avidité à celle du coffre inaccessible,
_ La mythologie venimeuse à celle du serpent ailé et enfin les mères de l’échéance à celle des trois femmes aliénées qui rient aux éclats.
Il comprenait que ces images lui étaient propres. Elles représentaient chacune d’elle une facette de sa personnalité, étant elle-même l’empreinte d’un événement vécu, douloureux ou non. Contrairement à ce que l’on pense, on n’ait pas toujours maître de son expérience vécue mais l’esclave d’un passé englouti qui gère notre inconscient.
Toutes les images de son hallucination revenaient sur lui avec fracas et s’il n’en n’avait pas tiré rigueur la première fois, il devait maintenant se résoudre à les comprendre, les analyser et tirer profit des révélations qu’elles lui apporteraient.
La première chose qu’il concevait sans nul problème se portait sur la façon d’interpréter ses représentations. Au cours de son existence, il avait accumulé une succession de renseignements dans l’apprentissage de la vie. Très souvent, l’esprit s’emploie à nous transmettre des images selon nos connaissances et nos cultures. En d’autre terme, Kévin ne devait pas se perdre dans la multitude de possibilités qui s’ouvraient à lui. Il en prenait conscience et s’est donc avec le plus grand soin qu’il devra affronter un passé profondément ancré en lui.
Mais pour l’heure, sa principale préoccupation se réduisait à se sortir de cette galère par tous les moyens dont il disposait. Il examina une fois de plus les alentours mais aucun élément ne l’interpella. Il porta alors son regard sur les pierres. Il distingua sur l’une d’elle une petite inscription. Il se baissa afin de mieux la discerner. Un mot de quatre lettres était gravé sur cette dernière et il frissonna à la vue de cette épigraphe.
On avait taillé ce mot : Tène. Il frémit de nouveau. Ce mot, apparut dans ces rêves l’autre nuit, ressurgissait une nouvelle fois mais dans un contexte plus terre à terre cette fois-ci.
Kévin s’asseyait et tenta de rassembler ses idées. D’Après ces connaissances, Tène était une riche nécropole Suisse de l’age de fer. Connue pour ces richesses funéraires, plusieurs prêtres, chamans et autres sages personnalités s’y rendirent afin de mieux communiquer avec le monde du grand voyage. Tène représentait donc un fantastique sanctuaire où la mort régnait en maître sur les vivants et où l’on y voyait un salut pour la destinée humaine et universelle.
Plus il réfléchissait, plus il se noyait dans les complications. Il devait rester plus simple, plus ouvert à ses propres réflexions.
« Tène, se dit-il, est en quelque sorte un gigantesque cimetière où tout altruiste se recueille avec ferveur et compassion. C’est un lieu sacré et inviolable…. Inviolable ! »
Ce dernier mot retentit en échos dans son esprit. « Inviolable ». Il déposa une fois de plus un coup d’œil sur la pierre. Son regard, perdu sur ce mot magique, lui susurrait des espoirs inattendus. Il se leva, se dirigea au pied de la pierre et commença son labeur. Il creusa autour de cette dernière. Au fur et à mesure qu’il remuait la terre, les mêmes mots se répétèrent dans sa conscience : Tène, cimetière, terre, enfoui…
Il en était certain, il trouverait quelque chose. Il excava encore la terre meublée avant que ses doigts ne raclent une matière solide. Il balaya de sa main l’humus qui recouvrait sa découverte. Il s’agissait d’une boîte en bois de chêne. Elle semblait vieille mais enterrée ici depuis peu. Aucune trace de pourriture ne l’avait encore attaquée. Il la prit entre ses mains et l’ausculta minutieusement dans tous les sens. Elle était verrouillée par un petit cadenas.
Kévin s’empara d’une pierre et la percuta plusieurs fois sur cette fermeture des plus communes avant qu’elle ne cède.
A l’intérieur du coffre, il y avait un papier jauni plié en quatre. Quand il s’en empara, il était craquelant et sec. Il le déplia minutieusement et l’étala sur le sol.
Il s’agissait d’une carte qui donnait l’emplacement d’un lieu méconnu aux yeux de Kévin mais dont il vit à travers ce dernier un salut pour se sortir de la situation actuelle.
Cependant, plusieurs questions suscitèrent son intérêt : Qui avait fait cette carte ? Pour qui et à quelle fins ? Quand à t-elle était rédigée ? Pour quelle raison l’avait-on enterrée avec tant de souci et pourquoi ?
Ce flot d’interrogations n’arrangeait guère sa tranquillité mais il devait surmonter ses angoisses et commencer ses investigations.
Il étudia la carte avec soin et la détailla avec un vif intérêt. Le point de départ du circuit griffonné débutait de l’endroit où il se tenait vers la destination inconnue. Il regarda les alentours et observa chaque détail qui put faciliter son orientation. Il marcha vers un chêne et observa la mousse sur son tronc. Il se référa aux vieilles techniques ancestrales pour se repérer dans la nature. La mousse sur les arbres indiquait toujours le nord. Il posa un regard de plus sur la carte. Il devait commencer son circuit en allant vers l’est. Il détermina sa direction et débuta son excursion.

Le plan était d’une précision délectable car pour la première fois depuis ses déboires, il savait où il allait. Il avait marqué tous ses déplacements à la façon du petit poucet à la différence prés qu’à la place de petits cailloux blancs, il se servit de grosses pierres posées aux bases de chaque bouleau qu’il croisa.
Il progressa ainsi durant plusieurs heures avant de sentir les premiers effets de la fatigue. Il stoppa et s’assit par terre. Il allait passer la nuit ici. Il s’alluma un feu et sortit quelques provisions de sa bandoulière de fortune : une carpe et un passereau.
Il dégusta sa nourriture et s’allongea prés du feu avant de plonger dans un profond sommeil.

*

« Les trois druides », notes personnelles de Gwilherm :
La joie de la sexualité et de l’union est contrebalancée par notre crainte de la mort et de la séparation ; toutes deux éléments de la même dynamique qu’est la danse de la création.
*

Il ouvrit les yeux. Il faisait encore nuit quand le bruit le réveilla. Il entendit des chuchotements inaudibles et des bruits de pas. Il se leva brusquement et tenta de surprendre une silhouette dans l’obscurité.
Rien !
Les bruits cessèrent lorsqu’il se mit sur son séant. Il resta donc planté là, immobile et silencieux, dans l’espoir d’entendre à nouveau ces murmures.
L’attente parut longue, interminable, avant qu’il n’entende à nouveau les chuintements.
Ils semblèrent le cerner de toutes part. A bout de nerf, il appela dans la nuit ces échos ectoplasmiques. Car disons-le, il avait la sincère et désagréable impression de s’adresser à des fantômes.
« _ Qui est-la ? dit-il tout d’abord timidement »
Aucune réponse. Pire que ça, le silence qui s’en suivit parut lourd de menace. Il patienta de nouveau mais rien ne vint cette fois-ci troubler le silence nocturne.
Il avait peur, très peur même.
Il se rallongea, incapable de trouver le courage pour explorer les alentours à la recherche de cette source de mystère effrayant.
Il porta son regard vers le ciel tapissé d’étoiles, inapte à s’endormir, luttant contre ses propres terreurs.
Les bruits avaient cessés aussi, comme chassé par son réveil imprévu mais il était déjà trop tard, l’insomnie le gagnait déjà.

*

« Les trois druides », notes personnelles de Gwilherm :
Les druides interprètent la course des nuages, le vol des oiseaux, le murmure des eaux et la disposition de baguettes d’if ou de pierres particulières.
Ils ont conclu un pacte d’alliance avec la forêt : l’âme collective des végétaux, avec les fées, les elfes et les nymphes logeant dans les racines et les cavités naturelles. *

Au petit matin, il n’eut pas le besoin de se réveiller, il l’était déjà. S’il n’avait pas été aussi angoissé durant toute la nuit, il aurait certainement apprécié le lever du soleil.
Il se leva, courbaturé, et fit quelques pas en étirant ses membres engourdis. Il passa ses mains sur son visage et s’empara de sa carte. Si l’indication sur cette dernière s’avérait juste, il atteignait son but. Première bonne nouvelle de la journée !
Il rêvait d’un bon café chaud et bien sucré, d’une agréable douche bienfaisante, de son petit « chez soi » rassurant et même d’un sensationnel rasage…la barbe qui poussait démangeait chacun de ses pores. Il se sentait mal à l’aise, sale dans son corps et dans son esprit. Il avait en avait assez. La fatigue le gagnait maintenant aussi bien physiquement que mentalement. Il se résolu à prendre son courage à deux mains et d’investir sa recherche plutôt que de perdre un temps précieux dans les lamentations.
Il posa une fois de plus un regard sur la carte, détailla les alentours avec sérieux et poursuivit son chemin vers l’Ouest.

Il compta deux heures de marche, autant d’ampoules aux pieds pour chaque pore qui recouvrait l’épiderme de ces derniers, l’accumulation de fatigue de la nuit dernière mélangé au ras-le-bol de ces derniers jours. Puis il la vit. Elle était fabuleuse !
Devant lui se dressait cette fantastique bâtisse à la pierre blanche. Elle comptait peu de fenêtres. Chacune de ses façades étaient ornées de sculptures représentatives. Sur le portique principale, tout autour de ce dernier, des gravures sculpturales imageaient un griffon face à un Dieu dont il ignorait l’existence. Kévin prit tout de même le soin d’ausculter cet ornement avec intérêt. Elle était taillée avec précision, ne laissant échapper aucun détail : ombrages autour des personnages, expressions des visages, trame de fond aussi réaliste que surprenant. Il ne manquait que les couleurs pour donner à cette œuvre une apparence plus vraie que nature.
Il examina la porte d’entrée. Elle était composée de plusieurs sculptures chacune gravée dans un carreau de bois. Il y en avait en tout douze soit quatre rangées de trois dalles. Aucun moyen d’ouvrir la porte de l’extérieur. Il détailla les gravures des dalles de plus prés.
La première rangée représentait une harpie, un golem et un nécromancien.
La deuxième rangée : un chêne, un if et un bouleau.
La troisième rangée : un dolmen, un cromlech et un menhir.
La quatrième rangée : une étoile, une lune et un soleil.
Il contempla, hébété, les dalles. Encore une énigme à résoudre ? Il se concentra mais aucune solution n’éclairait son esprit. La fatigue, la malnutrition, le stress…tous ces éléments étreignaient sans contrainte son raisonnement. Il tenta tout de même de résoudre ce nouveau problème. Il regarda les sculptures avec plus d’attention et risqua la paume de sa main droite en l’étalant sur une des dalles. Cette dernière s’enfonça de quelques centimètres. C’était donc ça la solution ? Trouver la bonne combinaison et activer l’ouverture de la porte en faisant pression sur les dalles. Mais quelle était la bonne combinaison ?

***

QUAND L ANGOISSE FRAPPE
LE COURAGE DERAPE

« Les trois druides », notes personnelles de Gwilherm :
On décrit très souvent les druides âgés et sages. Cette image qu’on leur donne est associée à la durée de leur enseignement. En effet, avoir accès à la connaissance druidique ne s’acquière pas comme ça. On passe tout d’abord par des étapes draconiennes et durables.
On devient Barde après une sélection très pointue. On apprend l’art de la musique et la magie du verbe. Cet apprentissage, avec ses multiples étapes, nécessite une douzaine d’années (Le barde correspond, tout comme l’ovate, à une fonction druidique. Ils sont donc druide).
Lorsqu’on sait enfin manier les mots avec l’agilité et la finesse de l’esprit, on est reconnu ovate. L’ovate apprend l’art du chamanisme, les relations entre le monde des vivants et des morts, le secret des plantes et ses vertus, la magie blanche…Cet enseignement dure huit ans.
Ce n’est qu’après toutes ces étapes que l’on est reconnu druide connaissant toutes les fonctions.
**

Trois silhouettes cernaient le feu de camps. L’une d’elles, assis en tailleur, semblait méditer. Une des personnes décida de rompre le silence :
« _ Que doit-on faire ? On continue ?
_ L’initiation n’est pas terminée…elle ne fait au contraire que commencer.
_ Mais monsieur Delporte a déjà subi pas mal d’épreuves.
_ Monsieur Kévin Delporte a certes fait preuve d’une bonne logique mais il est encore très loin de la phase finale de l’initiation. L’avidité du pouvoir l’a amené ici et c’est ici que tout doit se terminer.
_ Ne pourrions-nous pas être plus indulgent envers lui, grand maître ?
_ Pas question ! L’indulgence n’est que de la lâcheté enrobée de tolérance. Nous nous devons d’être sévères envers lui. D’ailleurs, il est grand temps de le mettre sérieusement face aux véritables épreuves.
_ Et s’il échoue, grand maître ?
_ Dans ce cas là nous verrons…nous verrons ! »

**

« Les trois druides », notes personnelles de Gwilherm :
Le système cosmique des celtes comprend trois disques superposés :
-Le disque supérieur : C’est la terre de la félicité pure, une sorte de paradis ignorant la maladie et la souffrance. C’est là que demeurent les saints et les éclairés.
-Le disque du milieu : C’est le monde que les humains traversent. Le bien s’y mêle au mal. L’impérieuse loi du libre-arbitre conduit à la punition ou la récompense des œuvres accomplies.
-Le disque inférieur : C’est le monde d’outre-tombe, l’abîme. Les âmes s’y reposent avant leurs prochaines réincarnations. Seules les âmes nobles échappent à ce passage et gagne directement le disque supérieur.**

Kévin avait une certaine culture, il le savait. Cela le passionnait de s’intéresser à des cultures anciennes, à d'antiques peuplades guerrières ou philosophiques, aux œuvres d’arts anciennes et aux différentes religions. Il scruta les dalles de bois et usa de sa cervelle pour résoudre cette énigme. Cette fois-ci, il devra user de sa culture et de sa logique pour amorcer le système d’ouverture de la porte.

Il tenta plusieurs combinaisons mais en vain. Tout sembla y passer :
_ Harpie, nécromancien, chêne, if, cromlech, menhir, étoile, soleil.
_ Nécromancien, golem, if, bouleau, dolmen, menhir, soleil, lune.
_ Golem, Harpie, bouleau, if, cromlech, dolmen, étoile, soleil….
Il se dirigeait sur la mauvaise voie. Il devait se concentrer plus sérieusement. Se laisser aller dans la simplicité n’arrangerait guère les choses.
Réfléchir, analyser, comprendre et associer chaque élément était indispensable.
Tout d’abord, la première chose à savoir fut le nombre de cases à presser sur ce carré de bois de 4 X 3. Une, deux ou trois cases par rangées ?
Il médita longuement sur la question. Le nombre « trois » revenait sans cesse dans les textes druidiques mais cela lui semblait trop élémentaire. Il se pencha plus sérieusement sur la philosophie des druides. La sagesse représentait globalement les textes de ces grands hommes. Or, on retrouve la sagesse dans tous les livres religieux : la Bible, le Coran, les textes Sanscrit, etc.…
Kévin se souvint alors de ce qu’il avait appris sur la Bible. La première lettre de la Bible signifiait « Beth » en Hébreu. Or, si la seconde lettre de l’alphabet déterminait le livre de la genèse, ce n’est pas par hasard. La première lettre de l’alphabet étant « Aleph » désignait l’unité, le début de tout, le néant où tout a commencé. Tandis que « Beth » révélait la dualité. La quête de l’homme était de retrouver en lui « Aleph », c'est-à-dire l’unité, et ceci toutes les religions le spécifiaient.
Kévin s’adonna à un calcul simple : 1 + 2 = 3 soit Unité + Dualité = Trinité.
Après tout, la trinité avait toujours été l’image de la religion chrétienne : le père (unité), le fils (dualité), le saint esprit (trinité).
L’être humain, constamment en quête d’élévation spirituelle, restait toujours à la base une représentation de la dualité.
Kévin considéra que deux cases devaient être pressée afin d’ouvrir la porte. Si sa réflexion s’avérait mauvaise, il allait rester très longtemps derrière ce panneau de bois renforcée.
La seconde énigme à résoudre se résumait sur l’ordre cohérent des cases à presser. Il regarda attentivement les gravures et définissait ces dernières :
_ Harpie : Animal mythologique à la tête de femme et au corps d’oiseau.
_ Golem : Créature de pierre ou de métal animé de vie sous l’emprise de la magie.
_ Nécromancien : Personnage qui évoque les morts afin de prédire l’avenir.
_ Chêne : Représentation de la force, de l’endurance, de longévité.
_ If : Représentation de l’immortalité, relation avec l’au-delà, magie, pouvoir ancestral.
_ Bouleau : Représentation de la force et de la grâce.
_ Dolmen : Monument mégalithique composé de trois pierres en forme de table désignant l’entrée d’un site funéraire. Les couloirs à dolmen sont utilisés pour les rites initiatiques.
_ Cromlech : Monument mégalithique composé de menhirs placé en cercle. Site initiatique.
_ Menhir : Bloc de pierre dressé à la verticale.
_ Étoile : Multitude d’astres qui scintillent dans l’obscurité de la nuit.
_ Lune : Rite lunaire. Influence de la lune sur la nature et les hommes.
_ Soleil : Fête des saisons. Rites initiatiques lors des équinoxes et des solstices.
Il étudia sereinement les gravures en se remémorant les définitions. Pas facile.
Pas facile du tout, même !
Tandis qu’il façonnait sa logique, son estomac lâcha un bruyant gargouillis en signe de protestation.
Kévin s’empara instinctivement de son sac à bandoulière de fortune et y enfourna sa main à la recherche intuitive de nourriture.
Il réfléchissait toujours tandis qu’il déballait sa dernière carpe des feuilles protectrices du platane.
Les dessins se déplaçaient schématiquement dans son esprit, tentant de s’accorder logiquement entre eux.
Mille images traversaient son esprit, toutes les gravures et peintures qu’il avait eu l’occasion de contempler, les divers textes qu’il avait pu lire ou écouter conter. Tous se mélangeaient, tentaient de s'abandonner entre eux.
Il lui semblait que la solution flottait quelque part dans les tréfonds de sa mémoire, logique et implacable, se cachant derrière quelques détails sans importance.
Il analysa une fois de plus les définitions de chacune des représentations sculpturales et l’ombre d’une solution affûta son intérêt.
Il ne pressa pas tout de suite les carreaux de bois pour autant. Il souhaitait d’abord analyser correctement sa combinaison. Il contempla les formes en reliefs et raisonna calmement sur la probabilité qui se présentait à lui :
_ Nécromancien, Golem, Chêne, if, dolmen, cromlech, lune, soleil et déduisit cette combinaison ainsi :
_ Après la magie mal considérée de l’homme, il y a la magie purificatrice des éléments. Après l’endurance et la longévité, il y a l’immortalité dans la relation avec l’au-delà. Après les rites initiatiques pour comprendre la vie et accepter la mort, il y a l’accès à la connaissance ancestrale. Après l’obscurité, il y a la lumière.
Kévin considéra une fois de plus cette crédibilité mais accepta tout de même une autre approche intuitive et mentale pour mieux cerner le problème dans la comparaison. Sa première idée semblait correcte. Il décida de tenter sa combinaison. Il pressa les carreaux de bois dans leurs ordres respectifs.
Il entendit un bruit sourd, comme le déclenchement d’un mécanisme, et la porte s’entrouvrit dans un grincement aigu.
Kévin resta pantois quelques secondes avant de s’encourager à pousser cette dernière.

**

« Les trois druides », notes personnelles de Gwilherm :
Le druidisme ancien est reconnu dans maintes philosophie et religion. Il y laisse une marque, une infime trace qui parle de lui. Mais le druidisme ancien reconnaît à son tour les autres textes des diverses cultures. C’est ainsi que l’on peut retrouver de parts et d’autres des similitudes dans divers livres, gravures ou tapisseries.**

Les trois inconnus fixaient Kévin de loin. Ils observaient chacun de ses gestes, ses attitudes, sa capacité de concentration. Ils étudiaient cet homme avec intérêt comme si chacune de ses réactions leur apprenait sur l’humanité toute entière.
L’un d’eux lâcha d’une voix impassible, presque désintéressée :
« _ Il s’en sort très bien.
_ Il agit avec sa logique. Il se sert de sa capacité à évaluer chaque problème, chaque obstacle qui entrave sa route.
_ Comment se fait-il alors qu’il n’est toujours pas noté qu’on le guidait là où on le souhaitait ? Son chemin évolue selon nos désirs et il n’a toujours pas remarqué que toutes les énigmes qu’il résolve le mènent sur la même piste… celle que l’on veut qu’il emprunte.
_ Un homme en captivité, physique ou moral, cherche toujours à s’en sortir. Il n’y a que le potentiel de chacun qui nous différencie.
_ Dans tout les cas, avec une telle évolution dans ses démarches, il ne peut plus s’agir de coïncidences.
_ La coïncidence n’existe pas, du moins telle que nous la définissons. C’est à partir du plus petit qu’on arrive au plus grand. Du micro cosmos régit le macro cosmos. Il en est de même pour l’être humain. D’une idée surgit la pensée. La pensée entraîne la gestuelle et cette dernière détermine nos actions. Chaque action crée une réaction en interaction à l’idée de base. La volonté a donc un pouvoir sur les évènements dit fortuits. Où est la coïncidence ?
_ Grand-maître ?
_ Oui ?
_ J’éprouve une profonde sympathie pour cet homme. Mérite t-il une telle épreuve ? Ce que nous lui infligeons n’est-il pas trop sévère ?
_ Je comprends ce que tu veux dire, cher dévoué. Mais la rigueur est de rigueur. La sévérité de nos actes détermine sa capacité à évoluer dans un monde instable. Regarde bien cet homme et cherche à percer sa véritable personnalité. C’est difficile, très difficile. Chaque homme possède en lui un trésor inestimable et inaccessible. Et ce qui est bien dommage, c’est qu’il puise sa richesse dans les moments laborieux…un peu comme un compte bancaire en réserve pour les mois pénibles.
_ J’espère très sincèrement qu’il va réussir ses épreuves initiatiques.
_ Ta compassion prouve que tu es un homme de cœur. Mais il est important d’être intransigeant, aussi dur soit-il d’adopter un tel comportement. Être trop gentil peut démontrer une faiblesse de même qu’être trop méchant reflète une lacune importante de tolérance. N’oublie pas que la dualité est le propre de l’homme. Tranchons sans modération cette loi binaire et nous découvrirons l’être véritable qui se cache derrière chacun de nous…une reflet unique qui nous détermine. L’unité, cher dévoué, est la plus belle chose que nous pouvons offrir à cet homme quelque soit les brimades que nous lui faisons subir.
_ Vous avez raison grand-maître mais… j’espère quand même très sincèrement qu’il va réussir ses épreuves initiatiques. »

( page 20 )

« Les trois druides », notes personnelles de Gwilherm :
Si la coïncidence n’a pas lieu d’être dans le cours des évènements, le hasard n’existe donc pas.
Le hasard n’est que la spéculation d’un conditionnel incertain. Les évènements sont la conséquence active d’une idée portée à exécution et entraînant une action/réaction.
Du néant, on ne peut extraire que du vide.
Croire au hasard signifierait que les liens entre chaque chose, à travers le temps et l’espace, n’existent pas.
Je pense donc qu’accepter le hasard, c’est se laisser bercer dans l’ignorance, une expression naïve pour fuir ses responsabilités face aux évènements.
Si l’on considère le hasard, chaque chose que nous pensons, disons et faisons se perd dans le néant.
L’humanité resterait sur des idées préconçues, platoniques et sans âmes.
Quel triste drame nous pourrions vivre si nous évoluons dans un concept uniquement matériel et non spirituel.**

Kévin observa la porte de bois et se décida à l’ouvrir complètement. Il entra et s’arrêta au seuil de cette dernière. Il examina la pièce de l’entrée. Il s’agissait d’un vaste hall. Les murs de pierres blanches vantaient l’exposition de quelques gravures, textes encadrés, tapisseries visiblement d’époque et autres sculptures antiques taillées à même la structure.
Il n’osait pas entrer. Il ne présageait rien de bon. Quelque chose allait lui tomber dessus, il en était certain.
Il avait peur mais il ne pouvait pas rester indéfiniment planté là. Il s’ordonna à entrer dans la bâtisse.
Il aperçut une large porte en bois au fond du hall. Il se dirigea prudemment vers cette dernière, s’attendant au pire.
Il ne se passa rien de plus que quelques secondes qui le menèrent vers le but dont il s’était fixé.
Il examina la porte de haut en bas et de long en large. Une large poutre perpendiculaire bloquait l’accès de cette dernière. Il remarqua, sur le côté gauche, une grande manivelle qui servait à l'ouverture de l’entrée.
Il la tourna et la poutre entreprit son retrait vers l’embouchure murale prévue à cet effet.
Après quelques secondes de réflexion, Kévin s’empara des larges poignées et tira la lourde porte vers lui.
La vision qui percuta son regard le figea sur place. Horrifié, il sentit ses membres s’alourdirent jusqu’à devenir insensibles. Ses jambes, maintenant flageolantes, tremblèrent violemment sur elles-mêmes et il crut un instant s’écrouler sur son séant.
Il regarda devant lui et désespéré, avança d’un pas vers les limites de son…

**

« Les trois druides », notes personnelles de Gwilherm :
Les évidences ne sont pas toujours ce que l’on croit. Chaque évènement ou situation reflètent une image qui peut cacher une vérité évidente. C’est à celui qui la vit de trouver le vrai du faux et pour cela, il est obligé d’adopter un seul comportement : débusquer la vérité qui sommeille en lui. **

Ils patientèrent quelques minutes après que Kévin soit entré dans la demeure. L’un des trois personnages avança vers les limites de la lisière et dit calmement :
« _ Il doit avoir déjà trouver la dernière phase du premier cycle initiatique. Allons le rejoindre. »

**

« Les trois druides », notes personnelles de Gwilherm :
Les deux moitiés de l’année celtique sont ponctués par deux fêtes principales : Samhain et Beltaine, qui correspondent au huit novembre et au six mai (soit sur notre calendrier au premier novembre et au premier mai).
Les deux autres fêtes sont Imbolc (premier février) marquant le début de printemps et Lugnasad (premier août) correspondant au début de l’automne.
Ces quatre fêtes qui lancent les quatre saisons celtiques, comprennent quatre autres fêtes fixées au milieu des périodes en questions.**

…Point de départ. Il était revenu à son point de départ. Il constata l’autel au centre de la pièce et le bassin en argent doré. Il marcha sans conviction vers l’autel puis s’arrêta net. Il contempla les alentours, hébété, et ses nerfs lâchèrent.
Il se mit à pleurer de peur, de rage, de colère, de haine. Plus il pleurait, plus les sanglots s’accentuaient.

Il se calma un peu, reprit sa respiration et se força à ne penser à rien. Il avait besoin de repos, autant physique qu’intellectuel.
Il se laissait aller dans une insouciance forcée lorsqu’il entendit un sifflement aigu suivi d’une fulgurante piqûre à la base de la nuque. De la main droite, il chassa vivement le dard qui venait de se loger dans l’épiderme. Il se leva et se retourna.
Trois silhouettes se dressaient devant lui, silencieuses et observatrices.
Kévin sentit ses membres s’alourdir. Il avança tout de même vers les inconnus. Chacun de ses pas devinrent l’objet d’un effort incroyable.
« _ Qui êtes-vous et que m’avez-vous fait ?
_ Qui nous sommes a peu d’importance, répondit une voix masculine. Pour le reste, on vous a envenimé avec un produit qui paralyse. Ne vous inquiétez pas, l’effet passera dans de brefs délais. »
Kévin constata que les trois personnes étaient habillées d’une aube grise et leurs visages encapuchonnés camouflaient leurs regards.
L’un des trois inconnus s’avança vers Kévin et le détailla quelques secondes avant de briser à nouveau le silence :
« _ La faiblesse est le propre de l’homme et vous n’échappez pas à cette règle, monsieur Delporte !
_ Qui… qui êtes-vous ? demanda t-il tout en s’asseyant, ne tenant plus sur ses jambes.
_ Mon identité importe peu, en vérité. Vous êtes là afin d’accomplir le rite initiatique. Notre rite, je le conçois, est quelque peu différent selon les traditions connues. En réalité, il s’adapte selon les sujets. En ce qui vous concerne, votre avidité du pouvoir fait main basse sur votre conscience. Et c’est un défaut terrible qu’est le votre. Plus le défaut est susceptible « d’empoisonner » l’esprit, plus les épreuves sont éprouvantes et périlleuses.
_ Que me voulez-vous exactement ?
_ Vous avez fait preuve d’une curiosité mal placée afin d’assouvir votre avidité par la connaissance et les secrets druidiques. Cette curiosité peut être aussi une source de culture en expansion et nous admirons cet état d’âme. Nourrir sa connaissance et échapper à l’ignorance est une marque de grande qualité. Donc, au lieu de vous laisser évoluer dans votre ingénuité en la matière, nous avons décidé de vous donner une chance d’accéder à notre savoir. Mais pour cela, vous devez avoir un esprit aussi pur que possible. Le rite initiatique sert à cela. Vous devez vous détacher de vos faiblesses ou bien disparaître avec elles.
_ Vous…vous êtes malade !
_ On ne parle pas comme ça au grand maître ! dit l’un des deux autres encapuchonnés. Il s’était avancé de quelques pas vers Kévin, révélant une certaine hostilité au son de sa voix puis de sa gestuelle.
« Le grand maître » leva une main pour marquer une pose à son sbire et poursuivit :
_ Il est trop tard maintenant pour faire marche arrière. Je dois vous laisser, à présent.
Je vous souhaite bonne chance, monsieur Delporte ! »
Kévin tenta de se lever mais aucun de ses membres ne répondit à ses ordres.
Qu’allait-il encore lui arriver ?
Les trois personnages se dirigèrent vers l’entrée et l’un d’eux tourna une pierre murale qui pivota sur elle-même. Elle cachait un levier que l’inconnu baissa avant de se retourner vers Kévin et lui lâcher :
« _ Après les épreuves psychologiques afin d’évaluer votre résistance mentale, il y a les épreuves physiques. Il est temps pour vous d’affronter les éléments. Prenez garde à leur fureur ! ».
Ils refermèrent la porte derrière eux.
Le sol s’ouvrit en deux parties coulissantes qui se rabattirent sur les côtés. Kévin écarquilla les yeux avec effroi lorsqu’il entr’aperçut le vide qui se faisait de plus en plus menaçant. Le sol l’entraînait vers la paroi murale gauche et lorsqu’il atteindra cette dernière, il tombera dans le vide.
Il se rapprochait du mur, toujours un peu plus jusqu’à ce que son corps l’atteigne. Accolé à la cloison, il sentait toujours le sol poursuivre son retrait et il tomba.
Heureusement pour lui, les côtés du vide qui le cernait étaient en forme d’entonnoir, ce qui lui permis de glisser jusqu’à son extrémité puis tombé lourdement sur de la terre meublée.
La forte poussée d’adrénaline contribua à retrouver une faible sensibilité de ses mouvements. Il bougea doucement ses doigts engourdis, son avant-bras et enfin roula minutieusement son bras à la base de l’épaule. Il répéta l’opération pour ses membres inférieurs : Bouger les orteils, dessiner des cercles avec le pied, tendre et détendre la jambe.
Il retrouvait peu à peu ses fonctions mobiles. Étrangement, il ne pensait à rien. Il ne ressentait aucune inquiétude, aucun stress qui nouait ses entrailles. La pression des évènements dont il avait été la victime usa toute son énergie. Il conservait malgré lui le peu d’essence vitale qui lui restait pour le reste des désagréments.

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« Les trois druides », notes personnelles de Gwilherm :
Si l’on observe les points cardinaux de la roue du temps, on remarque que les fêtes celtiques se situent à mi-chemin entre les équinoxes et les solstices, débuts de nos saisons :
Samhain se trouve à mi-chemin entre le 22 septembre et le 21 décembre, Imbolc entre le 21 décembre et le 21 mars, Beltaine entre le 21 mars et le 22 juin, Lugnasad entre le 21 juin et le 22 septembre.
En partant de Samhain, on peut alors envisager l’année comme une roue à huit rayons équidistants les uns des autres.
Ils illustrent les huit portes du temps sacré, moments particuliers, car c’est seulement lors des journées magiques que les forces masculines du ciel s’unissent aux forces féminines de la terre ; que le haut épouse le bas et que tout le peuple des désincarnés (Les esprits, les dieux, les morts) communiquent provisoirement avec les hommes en leurs dévoilant ses connaissances secrètes.**

Il se leva et regarda les alentours. Il se trouvait visiblement dans une caverne dans laquelle l’humidité avait élu domicile. Quelques torches éclairaient ce lieu étrange.
Kevin avança prudemment de quelques pas vers une galerie dont son prolongement se perdait dans l’obscurité.
Étrangement, il n’avait plus peur. Il ressentait une paix interne apaisante. Que pouvait-il lui arriver de pire que ce qu’il avait vécu jusqu’à maintenant ? A présent, il était prêt à surmonter n’importe quelle épreuve, y compris faire face à la fureur des éléments.
Malgré sa position, il se sentait vainqueur sur lui-même, plus fort et déterminé que jamais.
Il détailla le passage avec un grand intérêt et l’emprunta finalement d’un air dégagé.
Il marcha longuement dans ce tunnel obscur sans se soucier des évènements à venir. En vérité, il ne craignait plus rien.
L’homme s’adapte à tout, y compris aux pressions psychologiques.
Il savait qu’il allait devoir affronter des forces naturelles mais il prenait aussi conscience que s’il restait digne face à ses convictions, il s’en sortirait. En un mot, il avait la foi.
Il arriva enfin dans un hall. Il détailla l’environnement et se dirigea vers un second tunnel. A l’entrée de ce dernier, une large plaque en pierre laissait paraître les sculptures de quatre déités qu’il avait reconnu. Il s’agissait effectivement de Belenos, Brigit, Dagda et Lug.
En dessous de chaque portrait des divinités correspondait une saison du calendrier celtique accompagné elle-même d’une écriture dont il ne parvint à déchiffrer.
Il s’agissait de l’écriture oghamique dont il avait déjà aperçu des esquisses mais dont il ignorait l’alphabet. Un texte soulignait chaque représentation et un dernier s’affichait au bas des gravures.
Il contempla, hébété, ce graphique textuel, en sachant pertinemment qu’il détenait un indice important pour la suite de son initiation.
Kévin se résolut à abandonner le déchiffrage qui lui prendrait beaucoup trop de temps et se pencha sur les divinités. Il connaissait ces personnages et ils lui apporteront peut-être un indice pour la suite des évènements.
Il allait devoir associer chaque déité pour chacune des saisons énoncées.
Dagda : Samhain.
Brigit : Imbolc.
Belenos : Beltaine.
Lug : Lugnasad.
Il se doutait bien que chaque saison se référait à un élément décrit sur cette plaque en écriture oghamique.
Il contempla une fois de plus l’extrait celtique au bas de la pierre et son regard se perdit sur cet incompréhensible graphisme qui l’interrogeait tant.
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Sa représentation se dessinait par des traits verticaux perpendiculaires à une ligne horizontale.
Kévin reprenait ses esprits et se consacra cette fois-ci définitivement aux divinités énoncées.

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Kévin détailla chaque gravure et énonça à voix haute ses connaissances personnelles :
« _ Dagda représente le père des Dieux et se manifeste chez les celtes à travers la foudre et la roue solaire. Il s’agit d’une roue à huit rayons. Dans la mesure où le soleil voit tout, il sait par conséquent ce qui se passe sur terre. Dagda détient le chaudron de l’abondance souvent utilisé par les druides. D’après certaines rumeurs, ce chaudron servait aux sacrifices dans lequel les victimes étaient noyées ou égorgées. Mais il s’agissait plus vraisemblablement de mort symbolique que l’initié devait subir au cours des rites initiatique.
Brigit est la fille de Dagda et de la déesse mère Morrigan. Elle est jeune et gracieuse, elle est aussi bien grande physiquement que spirituellement. Elle est souvent accompagnée de ses deux doubles avec lesquelles elle préside aux arts, à la musique, à la poésie, à la médecine et à l’artisanat des métaux.
Multiplier par trois une divinité dans le but de lui conférer d’avantage d’ampleur et de force. Elle est la reine de la fécondité et la patronne des crémiers.
Belenos ; fils, garçon et jeune chasseur à l’enfance tourmentée, est devenu le protecteur des adolescents. C’est un Dieu solaire. Ce n’est pas par hasard que la moitié claire de l’année celtique ouvrant la saison estival commence au début du mois de mai par la fête de Beltaine (feux de Bel) durant laquelle on purifiait le bétail de tous ses germes et parasites en le faisant passer entre deux feux allumés.
Lug est le Dieu de l’abondance matériel et habile dans tous les arts, il expose ses talents en se faisant passer tour à tour pour un menuisier, un forgeron, un guerrier, un joueur de harpe, un médecin, un poète ou bien encore un magicien. C’est un Dieu violent mais doué pour les opérations intellectuelles, artisanales et l’exercice de la médecine. »
Kevin clarifia ses données afin de les synthétiser et en retirer un maximum d’information :
Belenos : Dieu solaire (soleil représente feu), feux de Bel, purification en passant entre deux feux. Son élément doit être le feu.
Dagda est représenté par la foudre et la roue solaire. Il est le père des Dieux (tel que Zeus ou Neptune). Son élément doit être l’air.
Pour Brigit et Lug, il lui restait deux possibilités entre l’eau et la terre dans la condition où sa première analyse était juste.
Il posa un regard vers l’entrée du prochain tunnel et se décida à le prendre. Il avança de quelques pas vers ce dernier puis se décida à franchir ses limites.

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« Les trois druides », notes personnelles de Gwilherm :
Beltaine est la fête sacerdotale dont « l’arbre de mai » constitue une réminiscence dans la tradition paysanne. Elle repose sur la figure de Belenos, Dieu de la lumière et du feu.
Au centre d’une grille composée de neuf cases (symbole de plénitude), on allumait à cette occasion les feux rituels (feux de la nécessité) en utilisant du bois de sept essences différentes.
L’usage voulait que l’on s’échange des biens et des cadeaux, notamment la guirlande fixée sur un piquet (allusion très clair à l’acte sexuel) et que l’on consomme de la viande de porc.
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Il erra longuement dans cette caverne humide avant d’arriver vers un site étrange.
Il stoppa devant trois mégalithes disposés en triangle. De larges dalles marbrées délimitaient ces derniers au sol. Il compta neuf carreaux blancs en tout.
Il scruta attentivement le parterre et l’environnement direct du lieu. Il constata qu’une gravure de Belenos avait été sculptée sur la paroi Est du repaire.
Il devait traverser la limite des trois mégalithes afin de poursuivre son chemin. Il traversa sans réfléchir.
Alors qu’il pénétra le centre du triangle, il entendit un petit cliquetis. Des flammes jaillirent soudain entre les mégalithes. Il venait de déclencher un piège.
Les flammes fermaient les limites des trois mégalithes maintenant intouchables. Le centre, épargné par le feu, devenait une fournaise insupportable.
Kévin transpirait déjà à grosses gouttes. Il sentait sa bouche se dessécher et il lui était de plus en plus difficile d’ouvrir les yeux tant la chaleur atteignait son comble.
Il devait sortir de là avant que l’inévitable ne se présente.
Il scruta, apeuré, le feu qui le cernait de toutes part et la peur le saisit au ventre. La mort par le feu était de loin la plus horrible avec la noyade.
Ses pensées défilaient à une vitesse incroyable et ses gestes suivirent par réflexe.
Il se dénuda entièrement. En passant rapidement à travers les flammes dans la tenue d’Adam, il s’en sortirait avec des brûlures moins conséquentes que si ses vêtements s’enflammaient.
Il se signa presque mécaniquement et franchit le mur de feu en courant aussi vite qu’il le pouvait.
De l’autre côté de cette muraille infernale, son premier réflexe fut de frotter sa chevelure enflammée avec les mains.
Une odeur de chair brûlée persistait dans ses narines.
Il venait de traverser les trois mégalithes et d’affronter la fureur du premier élément. Il n’en restait pas moins choqué et il s’adossa contre la paroi en se laissant glisser vers le sol.
Il s’assit.
Le feu était éteint. En traversant, il avait dû déclencher l’arrêt de ce dernier. En revanche, il n’était plus question de faire marche arrière pour récupérer ses vêtements. C’était trop dangereux.
Il se releva doucement, nu, et poursuivit son chemin plus avant.

« Les trois druides », notes personnelles de Gwilherm :
Lugnasad est un terme gaélique signifiant « assemblée du Dieu Lug », dispensateur de lumière et de sagesse.
Lugnasad marquait le point culminant de la récolte, le moment de la trêve militaire égayée par les jeux, les musiques, les célébrations des mariages dont les contrats duraient un an et un jour et pouvaient être renouvelés au terme de cette période. **

Il avançait toujours le long de cette galerie rocheuse et cette dernière s’élargissait de plus en plus. Il arriva dans une vaste salle traversée d’un large bassin. Il progressa vers le bord de ce dernier et contempla le fond.
Il aperçut dans l’eau un labyrinthe à toit ouvert.
Il plongea et se rendit de l’autre côté du bassin. Il y avait là une porte sur laquelle le portrait de Lug était gravé.
Sans grande surprise, il constata que la porte était verrouillée.
Las mais blasé, il comprit, sans forcer sa réflexion, où se trouvait la clé. Il se tourna vers le bassin et contempla le fond de ce dernier.
«_ Il est temps de se jeter à l’eau, si j’ose dire ! », se dit-il sans humour.
Il plongea.
L’avantage avec l’eau, c’est que l’on peut se déplacer dans un espace en trois dimensions ; ce que faisait d’ailleurs Kévin en longeant le labyrinthe englouti.
Il remontait régulièrement à la surface pour reprendre son souffle et replongeait au fond du bassin.
Il répéta l’opération six fois avant de repérer la clé dans le coin d’une allée. Il prit tout de même le soin de récupérer une bouffée d’oxygène à la surface.
Il se dirigea vers la clé en dépassant les limites murales du labyrinthe.
Cette fois-ci, il n’entendit pas le cliquetis annonçant le piège suivant.
Il récupéra la clé d’un geste rapide et satisfait mais lorsqu’il voulut regagner la surface ; il s’aperçut avec désarroi que le labyrinthe était cloisonné par un plafond coulissant.
En effet, ce dernier entama sa fermeture lorsque Kévin récupéra la clé.
Il sentit la panique le gagner instantanément.
Il tenta de dégager le plafond coulissant mais n’y parvint pas. Il ne se risqua d’ailleurs pas longtemps à poursuivre cette investigation…l’oxygène était trop précieux pour le gaspiller en vain.
Il nagea, désemparé, le long de ces couloirs engloutis.
Ici, il y avait un cul-de-sac.
Là, le fond était obscur donc trop long à parcourir.
L’oxygène commençait à se raréfier dans ses poumons.
Il s’affola.
Il oublia dans sa panique, que plus il se laissait gagner par la peur, plus il gaspillait inutilement ce mélange gazeux si indispensable à sa survie…

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« Les trois druides », notes personnelles de Gwilherm :
Un druide c’est :
« Un œil clair qui sache voir la nature,
Un cœur simple capable de la sentir,
Un esprit droit qui ose la suivre ! » **

Les trois personnalités méditaient autour d’un feu de camps. Ils se laissaient imprégnaient par l’énergie naturelle qui les cernaient.
Le feu crépitait doucement sous les doux assauts du vent qui caressait le feuillage des arbres.
Un des personnages brisa le silence en interrogeant son supérieur spirituel :
« _ Pensez-vous que monsieur Delporte ait réussi sa première épreuve, grand-maître ?
_ Il l’a réussi mais la simplicité de l’épreuve ne pouvait que facilité la première étape de cette initiation.
_ Comment savez-vous qu’il est venu à bout de son épreuve ?
Le grand-maître désigna l’horizon du doigt. Ses deux sbires suivirent du regard la direction énoncée.
Une fumée blanchâtre s’échappait d’une cavité naturelle du sol terreux.
Le grand-maître s’expliqua :
_ Une fumée noire aurait été le témoignage de son échec. Mais la prochaine étape de son initiation risque de demander notre intervention.
_ Pourquoi ?
_ Nul, jusqu’à présent, n’est parvenu a réussir sans notre intervention. La difficulté de cette étape la rend éprouvante et nous risquons de perdre notre initié si nous ne lui facilitons pas la tâche. »
Les trois personnes se levèrent et se dirigèrent vers l’entrée d’une caverne dont l’entrée était camouflée par des buis sauvages. Ils longèrent une cavité rocheuse avant d’arriver sur un parapet naturel qui surplombait la salle du labyrinthe englouti.
Ils scrutaient tous trois ce dernier d’un air serein puis le grand-maître abaissa un levier mural en bois massif caché sur la cavité gauche de la paroi de pierre.
Le grand-maître s’expliqua :
« _ Ce levier actionne plusieurs trappes qui débouchent sur des grottes non engloutis. Il pourra ainsi reprendre son souffle avant de trouver la sortie du labyrinthe. »

« Les trois druides », notes personnelles de Gwilherm :
La loi binaire existe, c’est un fait établi. Nous sommes toujours confronté à un choix quelque soit la situation ; c’est là qu’intervient la loi du libre-arbitre.
La loi du libre-arbitre nous appartient et détermine notre destinée. **

Il sentait ses réserves d’oxygène s’épuiser et ses poumons commencèrent à le brûler. Ses gestes devenaient brusques et incertains, son attitude révélait une maladresse de plus en plus évidente et ses idées lui parurent de plus en plus insensées.
Il arrêta de nager afin de conserver un peu plus d’air.
Cette fois-ci, il était perdu !
Il consacra ses dernières pensées, à sa grande surprise, aux divinités celtes. Il personnifia Lug, Brigit, Dagda, Teutatès, Esus et Amaethon. Il se laissa imprégner par leur présence et son calvaire lui parut plus doux, plus facile à accepter.
Il arrivait au terme de son existence et toutes ces déités l’aidaient à se préparer au grand voyage.
Il ressentait maintenant les premier vertiges…il allait bientôt commencer son ultime initiation, celle que nous allons tous passer,…celle de la mort.
Au tréfonds de sa conscience déclinante, il aperçut l’Ankou, le grand passeur.
Il se laissait aller vers sa suprême destinée lorsqu’un bruit sourd résonna tout autour de lui. Il ouvrit les yeux et vit une trappe ouverte sur le sol.
Il se précipita sans attendre vers cette nouvelle possibilité. A tout prendre, il n’avait plus rien à perdre. Il se noyait de toute façon et s’il y avait là un piège et bien ce serait le dernier.
Il longea le nouveau conduit, aussi vite qu’il le put, et déboucha dans une grotte.
Il expira dans un râle violent et prit dans la foulée une profonde inspiration. La tête tourna une fois de plus comme à la suite d’absorption d’une drogue.
Il se sentait bien. La respiration devint délectable, répandant l’oxygène dans chacun de ses organes.
Il resta ainsi quelques minutes, savourant à chaque instant ce précieux mélange gazeux qui nourrissait son corps.
Kevin repensa aux déités qu’il avait vues et les remercia. Maintenant, il se sentait moins seul, accompagné de divins protecteurs.
Il revint ensuite à sa situation actuelle. Il n’allait pas rester là indéfiniment. Ces trappes ouvertes lui servaient de relais pour reprendre sa respiration. Il allait pouvoir chercher la sortie du labyrinthe

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« Les trois druides », notes personnelles de Gwilherm :
Chaque évènement est indissociable des idées émises.
Toutes épreuves vécues s’assimilent à une polarité de la loi binaire. En associant le bien et le mal de chaque chose, on perçoit ainsi plus facilement la loi du libre-arbitre.

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Il chercha longtemps la sortie du labyrinthe. Lorsqu’il la trouva, il ne sut dire combien de temps il était restait là-dessous. Deux bonnes heures, si ce n’était plus.
Il sortit de l’eau et s’avança vers la porte où le portrait de Lug était gravé.
Il entra la clé dans la serrure et le pêne tinta gravement lorsqu’il tourna cette dernière.
Il poussa la porte doucement, sans bouger, et suivit du regard ce qui apparaissait sous ses yeux.
Il n’y avait rien d’autre qu’un tunnel…Encore !
Il avança de quelques pas, avec prudence, et détailla chaque pierre qui l’environnait.
A première vue, il n’y avait pas de piège.
Il avait froid. L’air ambiant glaçait chacun de ses pores et sa nudité forcée n’arrangeait guère les choses.
Il se prostra au sol, les genoux contre la poitrine et resta ainsi le temps de se réchauffer.
Le temps s’écoula ainsi, dans le calme et la récupération.
Kévin se laissa aller et le sommeil le gagna peu à peu. Il finit par s’endormir.

Si l’épuisement le gagna franchement, son réveil n’en fut pas moins le gage de douloureuses courbatures.
Il s’étira difficilement dans l’espoir d’assouplir chacun de ses muscles.
Il avait faim, toujours aussi froid et commença à sentir les prémices d’une fastidieuse colère.
Il en avait assez !
Il se leva tout de même, bien obliger de bouger de là afin de sortir de cette interminable situation.
Il regarda le long tunnel devant lui et poursuivit son chemin.

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« Les trois druides », notes personnelles de Gwilherm :
Imbolc, que l’on peut traduire par « lait de brebis », célébrait la déesse Brigit, patronne de la médecine, des arts et de la prophétie.
C’est la fête féminine de la maternité des ovins, du printemps qui remporte la victoire sur l’hiver et la lumière qui augmente de jour en jour, encouragée par les couronnes de bougies sur la tête des filles.**

Kévin erra longuement avant d’arriver devant un menhir. On avait gravé sur ce dernier un pentacle au-dessus duquel s’étalait le nom de Brigit.
Il comprit instantanément la signification de ce mégalithe : il représentait la terre.
Il scruta l’environnement à la recherche d’indices révélateurs.
En réfléchissant, il se souvint de la déesse Ana.
C’est la vieille déesse des celtes et son origine est vraisemblablement pré celtique. Elle se positionne comme la grand-mère à tous, celle sans qui personne ne pourrait exister. Ana est l’amour-source.
Elle représente la terre nourricière et féconde qui apporte et maintient la vie.
Sa réflexion l’amena tout de même vers Brigit.
Selon les origines celtes, c’est-à-dire Bretonne ou Irlandaise, Brigit est la fille de :
_ Dagda et Morrigan pour les Irlandais,
_ Lug et Ana pour les Bretons.
Née de la terre, c’est la déesse des amours plus jeunes et volcaniques. Elle n’en n’est pas moins la déesse des gués et des ponts. Si celui qui s’y risque n’est pas en accord avec les Dieux, c’est-à-dire avec lui-même et l’univers, il tombera sous les coups de la déesse qui punira son intrépidité.
Kévin formula une synthèse qui lui semblait logique mais néanmoins primaire :
Ana représente l’élément terre et sa fille Brigit le passage à trouver et emprunter afin d’aboutir à la prochaine initiation.
Il scruta de nouveau, et plus attentivement cette fois-ci, l’environnement.
Il remarqua sur la façade Est, au pied de la roche humide, un faible renforcement. Il se dirigea vers ce dernier et souleva la pierre qui semblait cacher quelque chose.
Il y avait là un levier.
Kévin regarda autour de lui, repérant toutes les issues possibles au cas où une fuite s’avérerait nécessaire.
Il craignait tout de même le pire…

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« Les trois druides », notes personnelles de Gwilherm :
Nul ne peut évoluer sur un concept basé sur l’indifférence et l’intolérance.
Poser un regard multidimensionnel sur un problème quelconque rend certes le choix difficile sur une solution adéquate mais cela aiguise l’esprit vers une spontanéité plus juste et une plus grande liberté de réflexion.
Quand à la spiritualité, elle ne s’acquiert pas, elle se cultive.
Elle est l’empreinte de l’âme naissant avec l’être, l’essence naturelle d’un esprit évoluant.
L’environnement, l’entourage, la culture, les critères imposant de la société nourrissent toutes les excuses pour nous éloigner de notre « patrimoine » spirituel. **

Lorsqu’il abaissa le levier, trois pierres s’enfoncèrent dans la roche dévoilant ainsi trois passages.
Le chiffre trois revenait encore.
Ils étaient respectivement positionnaient à l’Ouest, au Nord et à l’Est.
Kévin se remémora ce qu’il avait lu dans un manuscrit. Chaque point cardinal représentait chacun un critère à travers le temps et l’espace :
_ Ouest : futur,
_ Est : passé,
_ Sud : sagesse,
_ Nord : combativité.
Il songea maintenant à sa position actuelle. Afin d’atteindre la sagesse, il devra affronter sa fausse personnalité ; c’est-à-dire celle qui l’éloigne de sa vérité.
Il contempla le passage central dont l’obscurité engloutissait presque immédiatement les limites.
Il lâcha un soupir de lassitude mais une certaine satisfaction se dessina tout de même sur son visage.

Il progressa longtemps dans l’obscurité mais il s’habitua finalement à cette dernière.
En fin de compte, l’élément terre fut assez reposant.
Le temps, si relatif comme toute autre chose, s’écoula inexorablement avant qu’il n’arrive aux limites de l’ultime énigme initiatique.

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« Les trois druides », notes personnelles de Gwilherm :
Samhain signifie réunion ou récolte et indique la fin d’un cycle et le commencement d’un autre.
Samhain rappelle par sa structure et son contenu, les saturnales romaines. **

Ce fut cette fois-ci trois menhirs qui se dressaient devant lui. Chacun possédait une gravure et une inscription qui les définissaient.
Sur le menhir Ouest, une gravure décrivait une vouivre et portait l’inscription : NWYVRE
Sur le menhir central, c’est le portrait de Dagda qui s’imposait et l’inscription de son nom qu’on lisait.
Sur le menhir Est enfin, on reconnaissait un dragon sous lequel on avait inscrit : AWEN.
Kévin détailla les gravures et les épigraphes avec soin.
Malgré ces maigres connaissances en druidisme, il connaissait tout de même quelques détails intéressants qui pouvait l’aiguiller dans ses investigations.
Il parla à voix basse afin de mieux enregistrer sa propre synthétisation qui découlait de sa logique :
« _ Nwyvre est le nom celte de la vouivre et c’est l’une des plus ancienne forme de Lug.
Dagda est le Dieu celte Irlandais et il représente aussi le Dieu Esus breton.
Enfin, l’Awen est le souffle spirituel des druides.
Le dragon détient le souffle ! »
Il analysa une fois de plus sa théorie. Elle lui paraissait juste mais ne l’aiguillait pas dans sa progression.

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